Les nouvelles règles de Twitter inquiètent la recherche


Le réseau social Twitter met à rude épreuve les nerfs de certaines équipes de recherche, qui craignent de devoir arrêter des projets. Depuis une quinzaine d’années, Twitter est, en effet, devenu un terrain d’études scientifiques majeur pour comprendre la diffusion des informations, la polarisation des discours, l’anticipation des séismes, la mesure de l’état psychologique de communautés… La base de données Scopus recense plus de 20 000 articles de recherche sur ces sujets depuis 2007.

Les raisons d’une telle attirance sont nombreuses, comme le rappelle Kate Starbird, de l’université de Washington : « Twitter est très “réactif” pour étudier les crises, comme des catastrophes naturelles, des événements politiques. Il est intéressant aussi car il permet de voir comment les infos circulent et sont transformées. Enfin, c’est pratique car les données sont publiques et accessibles en particulier aux chercheurs par des API. » Ces dernières, pour Application Programming Interfaces, ou interfaces de programmation, sont une manière de récupérer gratuitement des données, comme la liste des followers d’un compte, ses retweets ou ses tweets entiers, d’une façon plus commode qu’en utilisant le site Web.

Ces données permettent de construire le réseau d’interactions entre comptes, comme l’a par exemple fait récemment l’équipe de David Chavalarias à l’Institut des systèmes complexes de Paris Ile-de-France, en étudiant les opinions climatosceptiques sur Twitter.

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C’est ce service d’API que l’entreprise américaine veut faire payer, y compris aux chercheurs. Le 2 février, elle annonce le changement pour le 9. Puis le 9, elle fait savoir que cela arriverait le 13. Puis le 13 que cela se ferait dans « plusieurs jours » à cause d’« un immense enthousiasme ». Et le 18 que le déploiement prendrait « plusieurs semaines »

Changer de terrain

« C’est la bérézina ! Les collègues sont furieux », soupire Jean-Philippe Cointet, chercheur au Medialab de Sciences Po, qui utilise Twitter pour observer, par exemple, le paysage politique. « Nous nous préparons au pire », confirme David Chavalarias. « J’ai dit au groupe de se calmer, ce n’est pas la fin du monde. On doit attendre que la poussière retombe. S’il faut payer, nous devrons probablement arrêter les projets qui débutent. Pour les projets qui se terminent, nous collectons frénétiquement avant la fermeture, tempère Kathleen Carley, de l’université Carnegie Mellon, à Pittsburgh, qui s’inquiète aussi de changements possibles des conditions d’utilisation. Si on travaille avec 2 000-3 000 tweets, alors qu’avant on pouvait en étudier des millions, ce serait comme étudier un film avec seulement quelques images. » « On a du stock, mais on est dans l’attente, espérant pouvoir mener notre projet de détection des armées de comptes automatiques », prévient Annabelle Gillet, enseignante-chercheuse à l’université de Bourgogne. Payer pour ces données sera sans doute impossible pour beaucoup de laboratoires.

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Catégorie article Politique

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